Quand on parodie une oeuvre, c'est en général une oeuvre qu'on apprécie. Cette vignette ne déroge pas à la règle, qui reprend le tableau de Philippe de Champaigne intitulé Vanitas. Réalisé en 1671, ce dernier, sous-titré "Allégorie de la vie humaine", s'inscrit dans la tradition dite du Memento mori, un genre artistique dont le nom latin signifie "Rappelle-toi que tu vas mourir" et qui semble se donner pour but de faire prendre conscience aux hommes de la vanité de toute entreprise terrestre, la mort rendant futiles richesse et réussite, au même titre qu'échec et pauvreté, qui perdent toute valeur au jour de notre trépas.
Dans son tableau, Philippe de Champaigne juxtapose de manière symétrique une tulipe, un crâne et un sablier, faisant ainsi le portrait symbolique d'une humanité définie par une vie fragile (la tulipe, dont un pétale commence déjà de s'incliner, manifestant ainsi le début du déclin) menacée par le passage inexorable du temps (le sablier), qui l'oblige à faire face à la peur qui la fonde, celle de la mort, le regard du spectateur ne pouvant éviter de s'enfoncer dans les orbites creuses du crâne situé au centre de l'oeuvre (et que j'ai malicieusement remplacé par un champignon). L'aspect épuré de cette peinture empêche toute distraction. Nous sommes donc, seul face à nous-mêmes (une impression de solitude infinie me prend à la vue de cette tablette dépouillée sur fond noir, baignée d'une lumière terne et froide), amenés à nous interroger sur notre propre rapport à la mort et, par la même occasion, songer qu'au fond nous n'avons pas de raison d'accorder tant d'importance à ces petites choses qui rendent parfois le monde matériel si compliqué.
La prise de conscience de la mort, les angoisses nées de cette dernière et sa conceptualisation sont selon moi ce qui fonde toute civilisation, ce que toute création humaine, d'une manière ou d'une autre, nous rappelle : nos innombrables sépultures, les pyramides et le Taj Mahal sont autant d'exemples de l'importance que revêt à nos yeux cette transition de la matière organique qui nous constitue d'un état à un autre, dont nous ne savons pas grand-chose mais dont nous connaissons avec certitude la fatalité. Cette impossibilité de savoir, doublée de la contradiction qui consiste pour l'homme à lutter pour survivre tout en sachant très bien qu'il mourra, engendre en lui comme une faille, un gouffre où s'engouffre son imaginaire, qui n'a jamais eu de cesse de le combler d'images et d'idées, de concepts et de conceptions, de projets et de projections, dans le but unique de se rassurer, autrement dit de se donner l'illusion de contrôle ce qui pourtant lui échappe (le cauchemar n'est-il pas, lui aussi, paradoxalement, le moyen que trouve l'enfant de combattre sa peur du noir ?). Dans 2001, L'Odyssée de l'espace (1968), Stanley Kubrick matérialise cette recherche de maîtrise sous la forme d'un monolithe noir dont la géométrie parfaite donne forme à l'informe, et l'impalpable de devenir palpable - en apparence - par le truchement d'une stèle géante.
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